Photo : Le dernier jour des vendanges chez Emmanuel Lassaigne, à Montgueux. En moyenne, la Côte des Bar sort de cette vendange 2024 avec un rendement à l’hectare qui tourne autour de 3 000 kilos. Montgueux s’en sort mieux, sauf sur les secteurs grêlés.

Vendanges 2024 : Un bilan mi- déprime, mi-raisin pour la Côte des Bar

Le premier voit passer près d’un millier d’hectares d’approvisionnements, le deuxième, 320, le troisième, 180 et le dernier a ses 50 ha presque exclusivement sur le finage des Riceys. Quatre acteurs du vignoble de la Côte des Bar reviennent sur cette vendange 2024. Le rendement très faible, environ 3 000 kilos par hectare, peut être, en partie, compensé par la qualité des jus.

Cette fois, ça y est. Les raisins sont rentrés, les moûts sont dans les cuves et les fermentations sont lancées.

À Bar-sur-Seine, au domaine de Villeneuve, la dernière citerne a été livrée jeudi 25 septembre. « On a fini par les chardonnays, c’est dans la logique de l’année », précise Michel Parisot, le chef de caves de l’Union auboise.

Chez les Drappier, à Urville, la dernière citerne est arrivée dimanche 29 Septembre. Celle-là provenait de la Marne.

À Ville-sur-Arce, les pressoirs de Chassenay d’Arce ont tourné « treize jours », confie Romain Aubriot, du lundi 9 Septembre au vendredi de la semaine suivante.

Quant aux Riceys, chez Alexandre Bonnet, « on prépare 2025 », glisse Arnaud Fabre, le directeur général de la maison qui appartient au groupe Lanson-BCC.

3 000 kilos en moyenne

Le rendement de cette vendange, dans la Côte des Bar, n’est pas seulement faible. Il est historiquement faible.

À l’Union auboise, par exemple, il tourne autour de 3 000 kilos par hectare, selon les calculs de Michel Parisot. Quand on sait que la coopérative régionale de la Côte des Bar s’approvisionne sur près d’un millier d’hectares,

Montgueux inclus, on peut estimer qu’il s’agit d’un sondage fiable.

Chassenay d’Arce, dont les 320 ha d’approvisionnements se concentrent presque exclusivement sur la vallée de l’Arce, a rentré « une moyenne de 3 080 kilos par hectare », assure Romain Aubriot« Ça ne fait pas beaucoup », confirme-t-il. Chassenay a pressé un peu moins d’un millier de tonnes de raisin, avec un pic à 150 t sur une seule journée. « En 2023, la plus grosse journée correspondait à cinq jours de cette année », continue le chef de cave de Ville-sur-Arce.

Drappier, à Urville, s’approvisionne sur 180 ha, dont 160 dans l’Aube. C’est aussi un acteur qui voit habituellement passer un certain volume de moûts. « Pas cette année », rectifie Hugo Drappier. « Pour nous, comme en 2021, le plus gros fléau, c’est le gel », résume-t-il. « Sans le mildiou, on avait entre 4 et 5 000 et on finit à 2 000 avec le mildiou », regrette-t-il.
Aux Riceys, Alexandre Bonnet s’en sort un peu mieux, avec un rendement qui s’échelonne « entre 3 000 et 4 000 kilos », note Arnaud Fabre. Pourtant, en juillet, au moment de publier le rendement d’appellation, qui était de 10 000 kilos par hectare, les estimations de rendement données par l’interprofession restaient d’environ 10 000 kilos pour la Champagne et d’environ 6 000 pour la Côte des Bar en particulier. Montgueux, à part dans le département de l’Aube, affichait encore environ 12 000 kilos au même moment.
Pour le cru qui surplombe l’agglomération troyenne, c’est surtout la grêle qui a joué le trouble-fête, même si le mildiou n’y a pas épargné les vignerons. « C’était très difficile de faire des estimations », remarque Michel Parisot. Et puis, « il y a eu du mildiou jusqu’au bout, ça a dû jouer ».

La vigne est comme les vignerons

Bref, comme le résume Arnaud Fabre : « On va essayer de mettre cette vendange dans les livres d’histoire et s’occuper de la vigne pour qu’elle puisse bien redémarrer ».

C’est que la vigne est comme les vignerons : elle a passé une sale année. À certains endroits, plus qu’à d’autres.

Montgueux, par exemple, fait partie des secteurs à peu près sauvegardés par le gel de la nuit du 21 au 22 Avril, qui a non seulement sévèrement entamé le potentiel de récolte, mais aussi fragilisé la vigne. « L’impact de la gelée de printemps, au début, on ne pensait pas ça avait été si fort », note Michel Parisot.

La pluie et le manque de lumière, plus que le froid, ont perturbé la fleur et favorisé le mildiou.

Un vigneron, au moment de commencer ses vendanges, estimait avoir perdu une tonne de raisins par cycle de trois semaines…

Bien sûr, certains s’en sont mieux sortis que d’autres, y compris dans les zones difficiles.

Chez Alexandre Bonnet, par exemple, c’est la confirmation que les vignes semi larges, mieux aérées, plus séchantes, sont une solution d’avenir. La différence, toutefois, s’est moins jouée sur le mode de culture que sur la capacité à sortir les machines à temps pour renouveler la protection entre deux orages. « Je n’ai jamais vu ça, tout qui s’acharne comme ça sur le vignoble », conclut Michel Parisot.

Et maintenant, les bonnes nouvelles

Voilà pour les volumes, qui étaient la mauvaise nouvelle de l’année. Et maintenant, les bonnes nouvelles ? Il y en a, confirment tous ces acteurs du vignoble champenois. Arnaud Fabre, par exemple, l’assure : « C’est une très belle année pour l’assemblage ».

Chacun de son côté, Michel Parisot, Romain Aubriot et Hugo Drappier sont d’accord. D’abord, parce que les pinots noirs issus de cette vendange 2024 sont beaux.

Même s’ils ne vont pas donner beaucoup d’alcool (environ 9,7° potentiels en moyenne), ils offrent de beaux équilibres aromatiques, du fruit frais et beaucoup, beaucoup de fraîcheur.

Cette acidité est partiellement due à l’acide malique non consommé par la vigne, parce qu’il ne faisait pas assez chaud. Pourtant, les indices de maturité (le rapport entre le sucre et l’acide dans la baie) sont bons, assure Romain Aubriot, qui les situe entre 20 et 21 pour Chassenay d’Arce. Peu ou prou l’idéal champenois.

Équilibre et équilibristes

Et puis, il y a la réserve.

En moyenne, avant vendange, elle était à 8 961 kilos par hectare. Presque le maximum, qui est de 10 000 kilos même s’il est certain qu’elle est inégalement répartie chez les déclarants de récolte.

Et puis, le déblocage de la réserve, c’est en Février. Le tirage, lui, commence en Janvier. Et la fraîche et la réserve, dans un assemblage, ça n’a pas le même rôle. En résumé, il va manquer, en fraîche, deux tiers des pinots noirs de la Côte des Bar pour le tirage de janvier 2025. Et cela, sans même présumer de ce qui a été pressé ailleurs en Champagne.

Bref, pour les chefs de cave, il va falloir jouer à l’équilibriste. « On va se creuser la tête pour les assemblages », confirme Romain Aubriot. Quitte à limiter le tirage, comme l’Union auboise l’avait fait en 2022, après la vendange 2021, confirme Michel Parisot. De toute façon, le commerce tourne au ralenti : la Champagne s’achemine sur sa pire année en volumes depuis 2001.

Rien ne sert de tirer aujourd’hui ce qu’on pourrait tirer demain.